La loi n°2001-1135 du 3 décembre 2001 a doté le conjoint survivant de la qualité d'héritier réservataire. Pour autant, il est toujours possible de le déshériter en présence d’enfants, qu’ils soient communs aux deux époux ou non. Le défunt ne pourra donc disposer que des 3/4 de son patrimoine s'il laisse un conjoint survivant sans descendance ce qui signifie qu’en l'absence d’enfants le conjoint se voit certain de recevoir au moins le quart de la succession. Néanmoins, en présence de descendants, il sera toujours possible de priver son conjoint de tout droit à la succession en rédigeant un testament.
Qui possède le statut de conjoint survivant ?
La loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001 donne une définition du conjoint survivant devenu successible : « Art. 732. – Est conjoint successible le conjoint survivant non divorcé, contre lequel n’existe pas de jugement de séparation de corps ayant force de chose jugée ». La loi n°2006-728 du 23 juin 2006 a supprimé la deuxième partie de l’article, définissant le conjoint successible comme « le conjoint survivant non divorcé ». De ce fait, depuis le 1er janvier 2007, date d’entrée en vigueur de la loi de 2006, le conjoint séparé de corps est bel et bien successible.
Quelles sont les limites à la vocation successorale du conjoint ?
Le conjoint survivant n'est pas un héritier comme les autres. En effet, il n'appartient pas à un ordre précis. Par conséquent, ses droits résultent de la qualité des autres héritiers. On pourrait considérer qu'il se trouve situé entre le 1er et le 2ème ordre. Toutefois, alors même qu'en principe chaque ordre appelé exclue les suivants, les droits du conjoint survivant s'ajoutent à ceux des autres héritiers.
Selon l'article 756 du Code Civil, « le conjoint successible est appelé à la succession, soit seul, soit en concours avec les parents du défunt ». A partir de ce texte, plusieurs situations sont envisageables :
· Lorsque le défunt ne laisse, outre son conjoint, ni descendants ni père ni mère : dans ce cas, le conjoint survivant prime et recueille l’intégralité de la succession.
· Lorsque le défunt laisse, outre le conjoint survivant, d’autres héritiers (descendants). Dans cette hypothèse, il convient de distinguer si les descendants sont tous issus du couple :
- Si tous les enfants sont issus des deux époux : le conjoint survivant recueille à son choix soit l’usufruit de la totalité des biens existants, soit la propriété du quart des biens (article 757 du code civil). Ce mécanisme juridique est appelé l’option successorale du conjoint survivant.
- Si le défunt et/ou le conjoint survivant avait des enfants d’une précédente union ou adultérins, l'article 757 du Code Civil écarte la première option et prescrit que le conjoint survivant recueillera le quart des biens en pleine propriété. Cette disposition s’applique que les enfants laissés soient ceux de l’époux pré-décédé ou de l’époux survivant.
· Enfin, le conjoint survivant peut se retrouver en concours avec les ascendants privilégiés (père et mère) du défunt (donc en l’absence de descendance). C’est l’article 757-1 du code civil qui règle cette situation en disposant que lorsque le défunt laisse son conjoint survivant d’un côté et ses père et mère de l’autre, la moitié des biens est dévolue au conjoint survivant et l’autre moitié se partage entre les deux ascendants (¼ chacun).
La réserve héréditaire des parents ayant été supprimée, un couple sans enfant peut maintenant prévoir (par exemple par testament) qu'en cas de décès le survivant héritera de la totalité des biens.
Les 4 cas où le conjoint verra ses droits diminuer ou disparaître.
1. Le respect de la réserve héréditaire.
La réserve légale des descendants est de 1/2 en présence d'un enfant, de 2/3 en présence de deux enfants et de 3/4 à partir de 3 enfants et au-delà. Les droits du conjoint survivant ne peuvent venir limiter ou supprimer l'application de ce principe de dévolution légale.
La part du patrimoine que le défunt peut transmettre librement à la personne de son choix s’appelle la « quotité disponible ». Elle représente la moitié de la succession en présence d'un enfant, 1/3 en présence de deux enfants et 1/4 à partir de 3 enfants et au-delà.
2. Le droit de retour.
Il faut également noter qu’il existe un droit de retour permettant aux collatéraux privilégiés (frères et sœurs du défunt et leur descendance) de primer le conjoint dans certains cas. La loi du 23 juin 2006 a modifié l'article 757-3 du Code Civil qui prévoit que les biens reçus à titre gratuit (donation) par les ascendants du défunt, se trouvant en nature au moment de la succession (c’est-à-dire n’étant pas vendus), reviendront pour moitié aux frères et sœurs du défunts ou à leur descendance. L’autre moitié revenant au conjoint.
En outre, lorsque le conjoint survivant recueille les trois-quarts de la succession du fait du prédécès de la mère ou du père et que se trouvent dans la succession des biens que le défunt avait reçu par succession ou par donation d'ascendants appartenant à la ligne du père ou de la mère prédécédé(e), le conjoint survivant doit faire retour aux frères et sœurs du défunt appartenant à la ligne du père ou de la mère prédécédé(e), ou à leurs descendants, desdits biens.
3. La créance d'aliments.
Les ascendants du défunt autres que le père ou la mère disposent lorsque le conjoint survivant a vocation à hériter de la totalité de la succession (en cas de prédécès du père et de la mère) ou des trois-quarts de la succession (en cas de prédécès du père ou de la mère) d'une créance d'aliments sur la succession du défunt.
Le délai pour la réclamer est d'une année à compter du décès, ou, en cas d'indivision, jusqu'à l'achèvement du partage.
4. La volonté du défunt
Toutes ces dispositions sont applicables en l'absence de volonté contraire du défunt, à l'exception de la jouissance temporaire du logement, qui est une disposition d'ordre public. En effet, le conjoint survivant, bien que promu au rang d'héritier, n'est pas réservataire. Le défunt peut donc, de son vivant, prendre des décisions ou des actes ayant pour effet de le priver de sa vocation héréditaire.
Déshériter son conjoint mais en respectant les règles.
En principe, en présence d’enfants, le conjoint survivant peut être déshérité et privé de tous ses droits dans la succession, ce par voie testamentaire. L’exhérédation (synonyme de déshériter) désigne la disposition par laquelle le testateur prive un héritier de tout ou partie de ce qui lui serait revenu dans la succession en vertu de la loi. Bien sûr, en présence d’héritier réservataire, l’exhérédation est nécessairement limitée à la quotité disponible. En revanche, si l’héritier n’est pas réservataire, le testateur peut l’exhéréder de la totalité de sa part.
A) Privation du conjoint de la quotité sauf en ce qui concerne le droit d'usage temporaire de un an sur le logement conjugal.
Le législateur protège le conjoint survivant s'agissant de son habitation. Il prévoit en effet que le conjoint a le droit, pendant 1 année, d'occuper gratuitement le logement qu'il occupait avec le défunt avant son décès. Plusieurs hypothèses sont possibles :
- si le logement occupé à titre d'habitation principale était détenu entièrement par le défunt, ou par le défunt et le conjoint survivant, ce dernier l'occupe à titre gratuit,
- si le logement occupé à titre d'habitation principale fait l'objet d'un bail, ou s'il appartenait pour partie au défunt, les loyers ou, le cas échéant, l'indemnité d'occupation, doivent être remboursés au conjoint, au fur et à mesure de leur acquittement.
Ce droit ne peut pas être remis en question quel qu'en soit le motif.
B) Par un testament authentique, le testateur peut priver son conjoint de son droit d’usage et d’habitation viager sur le logement conjugal.
L’article 764 du code civil précise que « Sauf volonté contraire du défunt exprimée dans les conditions de l'article 971, le conjoint successible qui occupait effectivement, à l'époque du décès, à titre d'habitation principale, un logement appartenant aux époux ou dépendant totalement de la succession, a sur ce logement, jusqu'à son décès, un droit d'habitation et un droit d'usage sur le mobilier, compris dans la succession, le garnissant. La privation de ces droits d'habitation et d'usage exprimée par le défunt dans les conditions mentionnées au premier alinéa est sans incidence sur les droits d'usufruit que le conjoint recueille en vertu de la loi ou d'une libéralité, qui continuent à obéir à leurs règles propres. »
Un testament authentique peut priver le conjoint de son droit d'usage et d'habitation viager, mais sous respect d'un formalisme strict. Les articles 764 et 971 du code civil (second moyen) nous rappelle qu’il résulte de ces deux textes que le conjoint survivant ne peut être privé du droit d’habitation du logement servant d’habitation principale et d’usage du mobilier le garnissant que par la volonté du défunt exprimée dans un testament authentique reçu par deux notaires ou par un notaire assisté de deux témoins.
Si un droit d’usufruit est accordé par testament, le conjoint peut renoncer à une partie de son héritage au profit des autres héritiers, ses enfants. Lorsque le conjoint survivant se trouve à hériter avec des enfants nés d’une précédente union, la rédaction d’un testament peut lui permettre de recevoir une part plus importante de la succession (équivalente à la quotité disponible).
En cas de mariage sans enfant, le testament peut évincer de la succession les parents du défunt (sauf droit de retour) ou ses frères et sœurs. L’objectif sera alors de protéger son époux en lui permettant de recevoir plus de la moitié de la succession (en l’absence de descendants, les parents ont droit à un quart chacun).
En conclusion :
Il ne faut pas envisager le seul cas d’une exhérédation visant à sanctionner son conjoint en rédigeant un testament à son insu dans le seul but de le punir en le privant de sa part de la succession. Le plus souvent c’est en parfaite connaissance de cause que les deux époux mettent en place toutes les mesures permettant à leurs enfants ou petits-enfants (venant en représentation d’un enfant prédécédé) de se partager la totalité des biens transmis. Soit parce que le patrimoine de chaque époux est suffisant pour lui permettre de vivre confortablement après le décès de son conjoint, soit parce que cette solution permet d’optimiser le coût fiscal de la transmission.
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