TVA et micro-entreprise, quel avenir pour un régime attaqué de toutes parts ?

Bercy, une forteresse coupée du monde de l'entreprenariat.

Pour introduire cette réflexion, voici l’exposé des motifs du projet de Loi des Finances 2018 relatif au nouveau statut des micro-entrepreneurs avec le doublement des seuils déclenchant le basculement dans le régime de l’entreprise individuelle :

« Afin de simplifier la vie des entrepreneurs, qu’ils soient artisans, commerçants ou professions libérales, et conformément aux engagements du Président de la République, le présent article prévoit d’augmenter significativement les plafonds de chiffre d'affaires ou de recettes des régimes simplifiés pour l'impôt sur le revenu (IR), appelés régimes micro-BIC (bénéfices industriels et commerciaux) et micro-BNC (bénéfices non-commerciaux).
Le bénéfice de ces régimes est conditionné aujourd'hui au respect d'un double seuil de chiffre d'affaires ou de recettes, aligné sur la franchise en base de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) : un seuil bas de 82 800 € pour les activités de ventes et de 33 200 € pour les activités de prestations de services et un seuil haut de respectivement 91 000 € et 35 200 €. Le franchissement du seuil bas, sans toutefois dépasser le seuil haut l'année de référence, permet le maintien du régime micro. Le franchissement du seuil haut entraîne la déchéance du régime l'année suivant le dépassement.
Le présent article propose d'augmenter le premier seuil et de ne retenir qu'un seul seuil pour chaque type d'activités : un seuil fixé à 170 000 € pour les activités de ventes et un seuil fixé à 70 000 € pour les activités de prestations de services et les activités non-commerciales. L’année de référence des seuils demeurera l'année civile précédente (N-1) et les entreprises pourront bénéficier du régime micro l’année suivant celle du dépassement du seuil seulement s’il s’agit d’un premier dépassement sur une période de deux ans. Ces nouvelles règles, qui s'appliqueront dès l'imposition des revenus 2017, visent à favoriser la prévisibilité du régime d'imposition applicable et à atténuer les effets de seuils.
Les seuils de chiffre d'affaires ou de recettes des régimes du micro -entrepreneur et du micro-social, qui font référence aux seuils des régimes micro-BIC et BNC, augmenteront automatiquement dans les mêmes proportions et seront applicables aux prélèvements dus au titre des périodes courant à compter du 1er janvier 2018. Les limites prévues pour le régime de la franchise en base de TVA resteront inchangées. »
Ainsi le nouveau système sera organisé en paliers successifs. Sur la première marche (de 0 à 33.200 euros pour la prestation de services ou 0 à 82.800 euros pour l'achat/revente), le micro-entrepreneur bénéficiera du micro-social et du micro-fiscal, sans assujettissement à la TVA. Sur la seconde marche (de 33.200 euros à 70.000 euros ou de 82.800 euros à 170.000 euros, selon la nature de l'activité), il pourra continuer à bénéficier du micro-social, du micro-fiscal, mais devra facturer la TVA à ses clients et récupérer la TVA sur ses achats. Enfin, sur la troisième marche (une fois le seuil de 70.000 euros ou 170.000 euros passé), il passera obligatoirement au régime réel. 
Tout d’abord nous pouvons constater qu’à partir du 1er janvier 2018 un micro-entrepreneur dont le chiffre d’affaires se positionnera dans l’actuelle « période de tolérance » ou « seuil majoré » (compris entre 33.200€ et 35.200€ en prestation de services) se retrouvera de fait assujetti à la TVA dès le franchissement du 1er plafond soit dès 33201€. Donc, le nouveau texte instaure une taxation de 2.000€ de chiffre d’affaires jusque-là exonérés.
D'autre part, le fait de rester dans le régime simplifié de la micro-entreprise n’a d’intérêt que si on profite de la totalité de ses avantages. En effet, être taxé à un taux forfaitaire sur la totalité de son C.A. sans pouvoir déduire ses charges n’a de sens que si on est exonéré de TVA. Sinon, voir diminuer son revenu professionnel de 20% sur la part de C.A. qui dépasse 33.200€ aura pour conséquence soit de détourner l’entrepreneur du régime de la micro-entreprise, soit de l’encourager à brider son activité en fin d’année comme il le fait déjà aujourd'hui. En aucun cas, il ne trouvera le moindre bénéfice à gérer de la TVA, ni dans sa relation avec ses clients ni dans la gestion complexe d’un compte TVA. Qui plus est en sachant que s’il avait opté pour le régime réel les cotisations sociales seraient assises sur le revenu réel, donc charges déduites.
A quels types de problèmes vont être confrontés les micro-entrepreneurs ? Par exemple comment vont-ils gérer le décalage entre la facturation et le paiement par le client ? Pour un micro-entrepreneur au régime de TVA sur les encaissements, le risque sera d'émettre une facture HT en décembre puis de devoir verser la TVA à l'Etat en janvier, au moment du paiement effectif. Comment faire, par ailleurs, pour gérer le franchissement de seuil en ayant une politique tarifaire cohérente ? Même un client professionnel qui récupère la TVA acceptera difficilement une hausse de 20% de sa facturation. Et ne parlons pas du client particulier qui lui ne récupère pas la TVA ! « Pourquoi me facture-t-il hors taxes en début d’année et TTC en fin d’année ? » Vaudra-t-il mieux laisser ses prix en l'état, notamment ceux ayant fait l'objet d'un devis HT, quitte à absorber soi-même le différentiel de 20% ? Ou pire encore, pourquoi ne pas détourner l’esprit de la loi en facturant dès le début de l’année ses clients professionnels en TTC et ses clients particuliers en HT afin de retarder voire d’éviter le franchissement du premier seuil ?
Mais au fait pourquoi s’alarmer si comme le constate la Fédération des auto-entrepreneurs ce texte de loi ne concernera que 5 à 7% des micro-entrepreneurs ? Parce qu’en rendant complexe et aléatoire un statut à l’origine accessible au profane on lui enlève son âme. Rappelons-nous : lors de sa mise-en-place en 2008, le législateur voulait inciter un maximum de créateurs à passer à l’acte : « Je facture hors taxes et je déclare mon C.A. tous les mois ou tous les trimestres en réglant immédiatement les cotisations sociales et même l’IRPP qui en découlent ».
Dix ans plus tard, que reste-t-il de cette « révolution » ? Pas grand-chose et le régime de la micro-entreprise version 2018 a perdu de son attractivité en devenant une usine à gaz dès le premier seuil franchi et l’assujettissement à la TVA.

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